Nous admirons ceux
qui font de la résistance dans les états totalitaires, et nous nous
disons : ils ont du courage ou une « morale solide », « ils
sont restés fidèles à leurs principes », ou quelque chose comme ça. (…) la
vérité : l’individu qui, au sein d’un régime totalitaire, refuse de
s’adapter, ne le fait guère par sens du devoir, ni par naïveté, mais parce
qu’il ne peut pas faire autrement que de rester fidèle à lui-même. Plus je me
penche sur ces questions, plus j’ai tendance à penser que le courage,
l’honnêteté et l’aptitude à aimer les autres ne doivent pas être considérés
comme des vertus, ni comme des catégories morales, mais comme les conséquences
d’un destin plus ou moins clément.
La morale et le sens du devoir sont des prothèses
auxquelles il faut recourir lorsqu’il manque un élément capital. Plus la
répression des sentiments a été profonde dans l’enfance, plus l’arsenal d’armes
intellectuelles et la réserve de prothèses morales doivent être importants, car
la morale et le sens du devoir ne sont ni des sources d’énergie, ni le terrain
propice aux véritables sentiments humains. (…) Un individu qui a des sentiments
vivants ne peut qu’être lui-même. Il n’a pas d’autre solution s’il ne veut pas
se perdre. Le refus, le rejet, la perte d’amour et les outrages ne lui sont pas
indifférents, il les redoute donc, mais il ne veut pas perdre son soi, une fois
qu’il s’est formé.
chapitre : "l'éducation ou la persécution du
vivant"
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