édition chez Lieu commun |
Le massacre de la huitième avenue avait profondément ébranlé la communauté blanche. Le carnage auquel s’étaient livrés ses propres fonctionnaires, ses gardiens de l’ordre avait été un tel traumatisme qu’on en oublia ce qui l’avait déclenché : l ‘assassinat de cinq policier blancs par un nègre fou. On oublia celui qui avait livré le premier l’assaut meurtrier, et la prédisposition à la culpabilité était telle qu’on endossa collectivement la responsabilité du crime. Les blancs, contre toute raison objective, sombrèrent dans la honte et le remords coupable.
Les têtes blondes se couvrirent de cendres et les corps blancs se voilèrent de deuil. La communauté se vautra dans un bain de remords. Son désir de rachat chercha une forme physique dans laquelle il pût s’incarner et la trouva dans le besoin d’une orgie expiatoire. Cherchant la rédemption, la communauté blanche accepta de sacrifier ses femmes ; mieux encore, elle les offrit en victimes aux premiers nègres qui passaient. Les femmes, quant à elles, acceptèrent le sacrifice, mais s’en montrèrent bientôt avides. Les Blanches, y compris les plus vertueuses, découvrirent tout à coup les vertus de leur sexe.
D’autres avaient l’esprit plus pratique. Des comités de bien-pensants fournirent aux volontaires blancs des moyens de donner leur sang pour compenser le sang versé par les victimes noires. On en rassembla tellement que le comité manqua de place pour le stocker et ne sut bientôt qu’en faire. Quelqu’un proposa d’en faire du boudin, mais on jugea cette suggestion d’une vulgarité offensante. Les donneurs, en tout cas, tiraient de leur geste un soulagement provisoire mais bienfaisant, comme d’une masturbation réussie.
Quelques Blancs pleuraient en public, comme on avait vu certains Améicains le faire à la mort de F.D. Roosevelt. Dans la rue, ils prenaient les Noirs par les épaules, leur exprimaient leur compassion, leur avouaient leur remords en sanglotant et imploraient le pardon.
On releva même quelques cas extrêmes de Blancs, qui, se penchant devant un Noir, lui offraient leur cul à botter : mais les Noirs, ne sachant s’ils devaient le botter ou le baiser comme d’habitude, évitaient de trancher.
Jamais la communauté blanche n’avait été si passionnément masochiste. Rien ne la soulageait, si ce n’est la douleur, la souffrance que pouvaient infliger les Noirs. Les Blancs priaient les Noirs de les injurier, de les battre, de leur cracher dessus, de les violer et trouvaient l’extase sous les insultes et les coups.
Jamais la communauté blanche n’avait assumé sa culpabilité avec une telle sensiblerie. Des hommes blancs, pleurnichant sans trêve, se mirent à confesser des agissements ou des sentiments que les hommes blancs, avant eux, avaient gardés secrets ou niés pendant des siècles. On les entendit avouer qu’ils avaient battu des Noirs, corrompu des Noirs, désiré des Noirs, et, ce qui est bien plus révélateur encore, détesté des Noirs.
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