vendredi 28 août 2020

Jeune au mitard (1953)

« C'est dans cette cellule profonde,
Où j'ai passé tant de journées
A marcher et à me morfondre
En proie à des drôles de pensées
Que j'ai réfléchi aux misères
Qu'on inflige aux enfants réticents
Sans regarder si par derrière
 Leur vie n'est pas sans tourment
On les ramasse, on les condamne
On les bannit de leurs foyers
Sans même que puissent leurs âmes
Expliquer leurs misères dévoyées
Bonnes gens, tournez-vous vers ces têtes
Leur seul crime c'est d'avoir eu faim
Derrière ces barreaux ils ont l'air de bêtes
Qui attendent que leur peine ait pris fin
Vous qui ignorez ce qui se passe
Dans l'ombre se forment des bandits
Qui, faute de tendresse et d'espace,
Durcissent leur jeunesse finie
Si vous croyez gens de justice
Former des êtres travailleurs
Vous ne formez que des complices
Du crime ils en feront un labeur !
Si vous voulez un bon conseil
Pour protéger la Société
Vous tribunaux solennels,
Regardez dans les rues et voyez.Vous y verrez tous les taudis
Qui font tous les malheurs en France
Employez donc tous les crédits
Pour faire bâtir leur seule chance
Mais tout à coup, en composant j’y repense,
Cela n’est pas possible, je crois
Car s’il n’y a plus de crimes en France
C’est vous qui seriez chômeur ma foi
Et c’est vous alors qui voleriez 
Pour pouvoir vous nourrir
C’est pourquoi, plus tard, sous la main gantée
Du bourreau, ils iront mourir.
C'est toujours les mêmes qui prennent
Et c'est pourquoi que le soir très tard
Un gars comme moi écrira sa peine
En composant "Sérénade au Mitard"»

 Yves XXXXXXX,
Fait au mitard de Savigny-sur-Orge en ce jour du 24 septembre 1953


(Le Centre d'observation public de l'éducation surveillée de Savigny-sur-Orge était destiné aux mineurs délinquants de 13 à 20 ans, entre 1945 et 1970. Les conditions étaient en fait extrêmement sévères et rigoureuses, la discipline était militaire et organisée autour du travail.)

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