Définition finale et opérationnelle :
Un job à la con est une forme d'emploi rémunéré qui est si totalement inutile,
superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son
existence, bien qu'il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat,
de faire croire qu'il n'en est rien.
Ch. 1 : Qu’est-ce
qu’un job à la con ?
Aucune
typologie n'est parfaite, et je ne doute pas qu'il pourrait exister bien
d'autres façons de tracer les frontières, chacune éclairante à sa manière.
Toutefois, ce découpage en cinq catégories — les larbins, les porte-flingue,
les rafistoleurs, les cocheurs de cases et les petits chefs — est celui qui
m'est apparu le plus utile au fil de mes travaux.
(...)
Ophelia :
Mon organisation est divisée en deux branches qui ont des bureaux dans deux
bâtiments différents. Chaque fois que ma patronne (qui est la patronne de
l'ensemble) se rend dans l'autre bâtiment, je dois remplir un formulaire pour
lui réserver une salle là-bas. J'ai bien dit : chaque fois. C'est complètement
idiot, mais le fait est que cela occupe bien la réceptionniste de l'autre côté
et la rend, du coup, indispensable. Ça la fait aussi paraître très organisée,
d'être capable de jongler avec toute cette paperasse. J'ai compris quelque chose
: dans les offres d'emploi, quand ils écrivent des trucs comme « vous
serez chargé de rationaliser les procédures administratives », ce qu'ils
veulent dire, en fait, c'est « vous devrez créer encore plus de
bureaucratie pour occuper le monde ». (...)
Tom
: je bosse pour une très grosse boite américaine de postproduction basée à
Londres. Dans mon métier, il y a certains aspects que j’ai toujours trouvés
agréables et épanouissants. Par exemple, les studios de cinéma me demandent de
faire voler des voitures dans les airs, de pulvériser des immeubles ou
d’imaginer des dinosaures attaquant des vaisseaux extraterrestres. C'est
chouette et ça divertit le public.
Mais, depuis peu, nos principaux clients
sont devenus des agences de corn'. Elles nous commandent des pubs pour des produits
de marques bien connues : des shampoings, des dentifrices, des crèmes
hydratantes, des lessives en poudre, etc. Nous, on utilise des effets spéciaux
pour faire croire que ces produits marchent vraiment. On travaille aussi sur
des émissions télé et des clips vidéo. On réduit les poches sous les yeux, on
rend les cheveux plus brillants, les dents plus blanches, on amincit les stars
de la pop et du cinéma, etc. Dans les pubs, on retouche les images pour
éliminer les imperfections de la peau, on fait ressortir les dents et on les
blanchit (idem avec les vêtements dans les pubs pour des lessives), on efface
les pointes de cheveux abîmées, on ajoute des reflets éclatants dans les pubs
pour shampoings... Sans oublier les outils déformants pour faire paraître plus
mince. Ces techniques sont utilisées dans tous les spots télévisés, mais aussi
dans la plupart des fictions télé et de nombreux films. Autant sur les actrices
que sur les acteurs. Pour résumer, on essaie de donner aux spectateurs qui
regardent ces programmes le sentiment qu’ils ne sont pas à la hauteur, et
ensuite, pendant les pages de pub, on exagère l'efficacité des
« solutions » qu'on prétend leur livrer.
Mon salaire pour faire ça, c'est 100.000
livres par an.