mercredi 30 novembre 2011

Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée - Samuel Foutoyet (2008)

Le principal outil de contrôle de l’Afrique reste cependant le dispositif militaire français. Et quel dispositif ! Plus de 10 000 militaires français sont actuellement déployés en Afrique. Près de la moitié appartient aux forces prépositionnées, réparties sur trois bases permanentes : 2900 soldats à Djibouti (contrôle de la mer Rouge), 1150 au Sénégal (base maritime) et 800 au Gabon (plateforme aérienne des opération françaises en Afrique). Les autres militaires participent à des « opération extérieures » (Opex). Les principales sont l’opération Licorne en Côte d’Ivoire (2400 soldats, depuis 2002), l’opération Epervier au Tchad (1200 militaires, depuis 1986) — ces deux dernières opérations sont en passe de devenir des bases permanentes, compte-tenu de leurs durées —, l’opération Eufor, force européenne au Tchad et en République centrafricaine (450 soldats en 2007, bientôt 2100, certains ayant le double statut Epervier/Eufor), et enfin l’opération Boali en République centrafricaine (400). Ce dispositif est complété par le Commandement des Opérations Spéciales (COS). Créé en 1992, il s’agit des forces spéciales, constituées d’un réservoir de 3000 hommes choisis parmi les troupes d’élites, dotés d’équipements ultra-modernes, dépendant directement de l’Elysée et capables d’interventions sur toute la planète.


La présence militaire en Afrique se base en grande partie sur des accords de défense signés pour la plupart très discrètement en échange des indépendances du début des années 60, ou des années 70 pour ce qui est de Djibouti ou des Comores. Si certains éléments de ces accords ont fini par être révélés, l’opacité continue néanmoins de régner concernant leur nombre et leur contenu précis. « Personnellement je n’ai jamais réussi à obtenir la totalité des accords et leurs clauses secrètes, (…) tellement secrètes que je ne sais même pas qui les connaît », révélait ainsi Pierre Joxe, pourtant ancien ministre de la défense*. Ces accords sont interprétés assez librement par l’exécutif français en fonction de ses intérêts. De manière générale, leur contenu est le suivant : garantie de protection de l’armée française contre un agresseur extérieur ; rétablissement d’une situation interne « périlleuse » avec exfiltration du chef de l’État en cas de besoin. Des accords spéciaux ont été signés avec au moins onze pays dont la Centrafrique (en 1960), le Gabon (en 1960), la Côte d’Ivoire (en 1961), le Togo (en 1963), le Cameroun (en 1974). Certains ont été remplacés par des accords ‘assistance, comme au Tchad.
En plus de l’installation de bases militaires françaises, chaque chef d’État africain est secondé par un responsable des services secrets et un responsable juridique (souvent magistrat ou conseiller d’État) permettant, en cas de crise, d’assister techniquement le pouvoir en matière de réforme constitutionnelle, ou de faire évoluer le système administratif pour écraser toute velléité d’opposition politique trop active. Enfin, des missions de coopération militaire visent la création, l’équipement et la formation de gardes présidentielles modernes mais également d’une police secrète en lien avec les Renseignements Généraux français, afin de surveiller l’activité des opposants réfugiés en France. Certains de ces accords franco-africains stipulent également l’accès prioritaire de la France aux matières premières stratégiques du pays.

* Rapport d’information de la mission d’information de la commission de la Défense nationale et des forces armées et de la commission des Affaires étrangères sur « Les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 194 », 15 décembre 1998.
L’Afrique sous contrôle.

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