L’écrit facilite la construction de cet être toujours actualisé et c’est pourquoi les civilisation exclusivement orales, n’ayant donc qu’un actuel incomplet, sont extrêmement fragiles. La civilisation africaine en est une, malgré ses griots (*). Ceux-ci ont, en effet, la mémoire plus sélective que celle des historiens occidentaux. Leur savoir, s’il aide à jeter des jalons, ne peut suffire dans la reconstitution du passé africain. Le griot est plus un poète qu’un homme de science ; chaque parole qu’il exprime doit être acceptée par la communauté à laquelle il s’adresse. De sa bouche sort toujours la vérité car il en est le Maître. Sa vérité est plutôt d’ordre subjectif qu’objectif ; elle est plus proche de la parole du prêtre et du devin que de la vérité du mathématicien.
* Les griots sont des « troubadours fonctionnaires », dépendants des grandes familles ou de certaines ethnies. Ils gardent en mémoire les hauts faits de ces familles et ethnies et se les transmettent de père en fils. Par exemple, l’histoire de l’Empire du Mali est rapportée dans une suite de paroles laudatives et hymnes adressés à la famille Soundiata, le plus brillant des empereurs du Mali. Les griots constituent une caste de maîtres du verbe attirés par le pouvoir et la richesse.
Introduction à l'ouvrage "Philosophie et géomancie", 1979.
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