[Etats-Unis, années 30.
Bigger, jeune noir pauvre et en colère, vient de tuer accidentellement une fille blanche avant de faire disparaître son corps. Le meurtre n'a pas encore été découvert. Il est rentré chez lui, dans sa maison familiale]
Il détestait cette pièce et tous ses occupants, lui inclus. Pourquoi étaient-ils donc obligés de vivre ainsi, lui et les siens ? Qu’avaient-ils fait ? Peut-être qu’ils n’avaient rien fait. Peut-être qu’il étaient condamnés à vivre ainsi précisément pour cette raison qu’aucun d’entre eux n’avaient jamais fait grand-chose de bien ou de mal.
(...)
Il était là, assis avec eux, et ils ne savaient pas qu’il avait assassiné une blanche, qu’il lui avait tranché la tête et qu’il avait brûlé son cadavre. La pensée de l’acte qu’il avait commis, son atrocité même, l’audace qui s’associait à de semblables actes lui constituaient pour la première fois, dans sa vie dominée par la peur, une barrière protectrice contre le monde qu’il redoutait. Il avait assassiné et il s’était créé une existence neuve. C’était quelque chose qui lui appartenait en propre et pour la première fois de sa vie il possédait quelque chose que les autres ne pouvaient pas lui retirer.